Origine et époque des psaumes
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Origine du psautier :
Une tradition ancienne mais peu fondée attribue le livre des psaumes à David. Ce n'est pas absurde, puisque d'une part toute la bible lui reconnaît une réputation de poète et de musicien, d'autre part certains psaumes portent explicitement son nom. Néanmoins, ils sont loin de représenter la totalité, et si certains sont faciles à rattacher à des événements de sa vie (le plus célèbre est le ps 51-50 ("Miserere") qui évoque la mort d'Urie dont il convoitait la femme), d'autres témoignent de préoccupations d'une autre époque : par exemple l'évocation de la restauration des remparts de Jérusalem permet de dater du retour de l'exil à Babylone (voir ci-dessous). Enfin, certains psaumes sont probablement sinon manifestement composites : condensés à partir de deux psaumes, influencés par d'autres, modifiés...

Une collection disparate ?
Les psaumes peuvent sembler être collectés dans le plus complet désordre. Un hymne voisine avec une supplication, une action de grâce est suivie d'une plainte. Certains psaumes se répètent à l'identique (14 et 53 à des détails près), des versets de certains sont repris dans d'autres (par exemple 40 et 70). ce qui était à l'origine la supplication d'un individu confronté à l'épreuve ou l'action de grâce d'un priant délivré sont adaptées pour un usage liturgique ou communautaire. La notion d'auteur et de propriété intellectuelle n'existent pas, les psaumes sont souvent repris, modifiés, adaptés, ce qui explique peut-être la multiplicité des noms d'auteur ou des genres dans les versets de suscription. Les psaumes ne sont probablement pas rassemblés dans un recueil unique avant le 3ème siècle ; ils sont traduits en grec un siècle après à Alexandrie et dès cette époque, certains sont si anciens que leur vocabulaire n'est plus compris (et les Septantes adaptent plus qu'ils ne traduisent...). Des psaumes appellent Dieu YHVH (Seigneur), d'autres Elohim (Dieu) ; ils sont d'ailleurs généralement regroupés par ensembles cohérents. Bref, une apparente fantaise qui témoigne que le psautier est un livre vivant, qui exprime la prière d'un peuple, toujours nouvelle. Ainsi par exemple le ps.51 (la supplication de David) se termine avec "Accorde à Sion le bonheur, relève les murs de Jérusalem" qui évoque une restauration consécutive à une destruction et qui serait hors-sujet dans les circonstances supposées de sa composition : évidente addition qui fait passer la perspective du psaume de la supplication individuelle à la prière collective. Il est donc impossible de dater les psaumes, tant les témoignages de réécriture sont nombreux, malgré les notices indiquant un nom d'auteur et un événement qui sert de prétexte. Un document qui semble récent peut ainsi véhiculer une tradition très ancienne ou regrouper et adapter des fragments archaïques.
On reconnaît généralement dans le psautier cinq livres d'inégale importance (peut-être par analogie avec les cinq livres du Pentateuque) : 1-41, 42-72, 73-89, 90-106, 107-150 ; chaque livre se termine par une formule de doxologie plus ou moins développée, associant les acclamations alléluia et amen. Le psaume 150 est en lui-même une doxologie, qui conclut non seulement la 5ème partie, mais tout le livre.
Les exégètes ont essayé de démêler les influences et les différentes couches que peuvent comporter certains psaumes. Les notes et les commentaires des bibles (TOB, Bible de Jérusalem,..) comportent des informations intéressantes qui dépassent le propos de ce site. Nous nous contenterons de quelques indications sur les suscriptions des psaumes et sur les dates de composition, largement inspirées de la Bible de Jérusalem et de la TOB.

Les auteurs d'après les suscriptions :
Le premier verset de certains psaumes donne quelques indications qui portent suivant les cas sur le genre (psaume, poème, cantique,..), la mise en œuvre (occasion, musique, chant,..), le ou les auteurs, les circonstances supposées de la compostion. Un petit quart n'en comportent pas (seuls 116 en ont) et les indications ne sont pas toujours faciles à interpréter, car elles comportent des mots rares voire des apax (mots qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans la bible et même parfois dans toute la littérature sémitique) : la TOB ne les traduit pas, la Bible de Jérusalem tente parfois de les comprendre comme des instruments de musique ou des chansons de l'époque.
Seuls 72 psaumes sont explicitement attribués à David, mais les auteurs sont parfois multiples et souvent anonymes, ce qui révèle de probables retouches de la part d'exécutants ("le maître de chant" signalé en plus parfois d'autres auteurs dans 54 psaumes, plus d'un tiers). Voici le détail (la numérotation est toujours celle de la bible hébraïque) :
> de David (72 psaumes) : 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 68, 69, 70, 86, 101, 103, 108, 109, 110, 122, 124, 131, 133, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145
> d'Asaph (12 psaumes) : 50, 74, 75, 76, 77, 78, 80, 73, 79, 81, 82, 83 ; Asaph serait un lévite, descendant de Coré, peut-être un des "fils de Coré" ; ceux qui attribuent tous les psaumes à David pensent qu'il n'aurait fait que la mise en musique
> des fils de Coré (11 psaumes) : 42, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 84, 85, 87, 88 ; Coré est un chef de clan qui se révolte contre Moïse (Nb 16) ; l'appellation "fils de Coré" peut désigner un groupe de lévites mais pas forcément les descendants de ce personnage biblique
> de Yedutûn : 39 (aussi attribué à David), 62 ; cité dans 1Ch 25, 1 comme étant au service de David, comme Asaph et Hémân, parmi "les prophètes qui s'accompagnaient de lyres, de cithares et de cymbales", ce qui en fait un psalmiste possible ; leurs enfants sont confirmés dans ce service.
> de Salomon : 72 (qui conclut "Fin des prières de David, fils de Jessé"), 127
> reste encore Hémân (88, aussi attribué aux fils de Coré), Hétân (89), Moïse (90) ; le psaume 36 est attribué en plus de David au"serviteur de Dieu", ce qui peut désigner la même personne (David est d'ailleurs qualifié de "serviteur de Dieu" dans le ps.18).
Au total, seuls les 2/3 des psaumes sont attribués explicitement à une personne précise. Reste l'énigmatique "maître de chant" (ou de chœur), ce qui ne désigne peut-être qu'une fonction ; on le cite pour les psaumes 4, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 18, 19, 20, 21, 22, 31, 36, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46, 47, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 75, 76, 77, 80, 81, 83, 84, 88, 109, 139, 140

Genres et contenus :
Tous les psaumes ne sont pas forcément qualifiés par ce terme ; ils sont parfois désignés par des termes équivalents, parfois par plusieurs :
> psaume (56) : 3, 4, 5, 6, 8, 9, 12, 13, 15, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 29, 30 (cantique), 31, 38, 39, 40, 41, 47, 48 (cantique), 49, 50, 51, 62, 63, 64, 65 (cantique), 66 (cantique), 67 (cantique), 68 (cantique), 73, 75 (cantique), 76, 77, 79, 80, 82, 83 (cantique), 85, 87 (cantique), 88 (cantique, poème), 92 (cantique), 98, 100, 101, 108 (cantique), 109, 110, 139, 140, 141, 143
> cantique (27, dont 11 sont aussi dénommés psaume et 15, du 120 au 134, sont qualifiés "psaumes des montées) : 30, 46, 48, 65, 66, 67, 68, 75, 83, 87, 92, 108, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134
> poème (13) : 32, 42, 44, 45 (chant d'amour), 52, 53, 54, 55, 74, 78, 88 (psaume, cantique), 89, 142
> prière (17, 86, 90) ; louange (145) ; lamentation (7)

Musique et chant :
> 14 psaumes portent une indication instrumentale souvent conjecturale : 4 (Avec instruments à cordes) ; 5 (Sur les flûtes) ; 6 (Sur les instruments à cordes, sur l'octacorde) ; 8 (Sur la.. de Gath) ; 9 (Sur hautbois et harpe) ; 12 (Sur l'octacorde) ; 46 (Sur le hautbois) ; 54 (Sur les instruments à cordes) ; 55 (Sur les instruments à cordes) ; 61 (Sur les instruments à cordes) ; 67 (Sur les instruments à cordes) ; 76 (Sur les instruments à cordes) ; 81 (Sur la.. de Gat) ; 84 (Sur la.. de Gat)
> 10 psaumes indiquent la mélodie, probablement une chanson connue à l'époque, mais ces mentions sont aussi largement conjecturales : 22 (Sur "la biche de l'aurore) ) ; 45 (Sur l'air : Des lys.) ; 56 (Sur "l'oppression des princes lointains) ) ; 57 ("Ne détruis pas) ) ; 58 ("Ne détruis pas) ) ; 59 ("Ne détruis pas) ) ; 60 (Sur "Un lys est le précepte) ) ; 69 (Sur l'air : Des lys.) ; 75 ("Ne détruis pas)) ; 80 (Sur l'air : Des lys sont les préceptes)
> enfin 5 psaumes (56 à 60) précisent "à mi-voix".

Occasion de composition et utilisation :
> 11 psaumes évoquent les circonstances traditionnelles de leur composition ("il" fait référence à David) : 3 (Quand il fuyait devant son fils Absalom) ; 7 (Qu'il chanta à le Seigneur à propos de Kush le Benjaminite) ; 18 (Du serviteur de le Seigneur, David, qui adressa à le Seigneur les paroles de ce cantique, quand le Seigneur l'eut délivré de tous ses ennemis et de la main de Saül) ; 51 (Quand Natân le prophète vint à lui parce qu'il était allé vers Bethsabée) ; 52 (Quand Doèg l'Edomite vint avertir Saül en lui disant : "David est entré dans la maison d'Ahimélek) ; 54 (Lorsque les Ziphéens vinrent dire à Saül : "David n'est-il pas caché parmi nous?") ; 56 (Quand les Philistins s'emparèrent de lui à Gat) ; 57 (Quand il s'enfuit de devant Saül dans la caverne) ; 59 (Quand Saül envoya surveiller sa maison pour le mettre à mort) ; 63 (Quand il était dans le désert de Juda) ; 142 (Quand il était dans la caverne)
> 10 autres donnent des indications pour l'utilisation : 30 (pour la dédicace de la Maison) ; 38 (Pour commémorer) ; 53 (Pour la maladie) ; 60 (Pour apprendre) ; 70 (Pour commémorer) ; 88 (Pour l'affliction, pour la maladie) ; 92 (Pour le jour du sabbat) ; 100 (Pour l'action de grâces) ; 102 (Prière pour un malheureux qui dans son accablement répand sa plainte devant Yahvé)